Ames (trop) sensibles s’abstenir. Le titre « de beaux lendemains » est trompeur mais la quatrième de couverture prévient bien que ce livre n’est pas une comédie mais bien la vie avant et après un drame.
L’action se passe dans le compté de New York. En plein hiver, un bus de ramassage scolaire fait une embardée et une dizaine d’enfants trouve la mort, noyés dans un lac. Ce livre raconte (brièvement) l’accident mais surtout l’après.
Tour à tour, quatre personnes vont raconter l’accident et l’après accident.
Dolorès Driscoll est la conductrice du bus, 25 ans d’expérience de la conduite de celui-ci. Elle est émouvante, rongée par ce qui est arrivé. A-t-elle vu le chien qui traversait ou est ce une illusion d’optique, roulait elle trop vite sur la neige ?
Billy Ansel, un veuf, a perdu ses jumeaux de huit ans dans l’accident et noie son chagrin dans l’alcool.
Mitchell Stephens, un avocat de la ville, se rend sur place dans le bourg et convainc les parents des disparus d’intenter un procès à la ville, pour défaut de signalisation de virage dangereux.
Nicole Burnell, 14 ans, a eu la colonne vertébrale brisée et se retrouve en fauteuil roulant, et observe les adultes qui se démènent.
Ce livre est, quelque soit le narrateur, très émouvant : je me suis mise à chaque fois dans la peau de celui-ci. Le chagrin, la culpabilité sont retranscrits avec des mots très justes. Les protagonistes sont chacun à leur façon sincères et réagissent comme ils le peuvent à cette catastrophe.
Le procès qui se prépare exacerbe les chagrins au lieu de les apaiser. Pas de caricature dans ce livre, avec envolée lyrique des avocats. Mitch Stephens, l’avocat, même si son métier est de rechercher à tout prix des responsables, reste humain et on vit avec lui ses difficultés familiales.
Les personnages secondaires sont également bien campés : Abbott le mari paralysé de Dolorès, les parents du petit Sean disparu dans l’accident…..
La narratrice qui m’a le plus ému est sans contexte Nicole, l’adolescente rendue paraplégique par l’accident. Elle fait preuve d’une maturité étonnante, et prend une décision qui l’est encore plus (mais dont je ne dirais rien ici puisque c’est le rebondissement principal de l’intrigue)
Un extrait (c’est Dolorès qui parle)
Moi, je suis bavarde, et par conséquent, comme beaucoup de bavards j’ai tendance à dire des choses que je ne pense pas vraiment. Mais pour Abbott, plus que pour n’importe qui d’autre à ma connaissance, il faut que chaque mot compte, presque comme pour un poète, et parce qu’il est passé si près de la mort il a envers la vie une lucidité que la plupart d’entre nous ne peuvent même pas imaginer.
Un extrait (vu par Nicole, l’adolescente)
Ça faisait de lui la seule personne qui, sans être dans le bus, avait vu l’accident se produire, ce qui signifiait qu’il était le seul à pouvoir dire si Dolorès conduisait prudemment, et seul Billy connaissait la vérité sur ce point.
- Et si ce salaud m’assigne à comparaître, poursuivait Billy, ignorant Maman, alors tous ces autres avocats vont s’aligner derrière lui et essayer de l’imiter.
- Non cela n’arrivera pas Billy. Le dossier de Mitch Stephens est mince, comparé à ceux de certains gars, et est très concentré. A ce qu’il m’a expliqué, tout ce qu’il lui faut c’est que tu racontes ce que tu as vu ce jour là, quand tu roulais derrière le bus. Je sais que c’est une chose pénible d’avoir à faire çà, témoigner et tout ça, mais ça ne devrait prendre que quelques minutes de ton temps, et puis ce sera fini.
- Faux, a dit Billy. Complètement faux. Les autres bavards vont l’imiter, ou inventer leur version de ce qu’il fait, et il y aura toutes sortes d’appels, et je resterai englué dans ce foutoir pendant cinq ans au moins. Et croyez moi, Mary et toi aussi, a-t-il ajouté. Cette chose ne cessera jamais, Sam.
Ma deuxième participation au challenge de Calypso : Un mot des titres
Le mot était "Beau"