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1 septembre 2012 6 01 /09 /septembre /2012 08:13

 ENFANT-BLEU.jpg

Un rapide résumé : L’action se passe à Paris. Véronique, la narratrice, une psychanalyste d’une quarantaine d’année, rencontre un adolescent, Orion, soigné dans un hôpital de jour pour ses troubles psychotiques. Ce livre raconte une douzaine d’années de la vie d’Orion, principalement, avec en pointillé celle de Véronique et son mari Vasco.

Orion est un adolescent qui est difficile. Il est « persécuté » par ses camarades de l’hôpital, en proie à de terribles crises de panique ou de colère. Il ne sait pas dire « je »  mais parle de lui à la troisième personne. Toute interrogation un peu poussée déclenche de sa part un « on ne sait pas » inquiet. Son langage est émouvant, plein d’invention de mots quand il est face à des évènements qui le dépassent, principalement des visions de « démons ».

Petit à petit, le lecteur va suivre les progrès et les régressions d’Orion. Véronique est un personnage impressionnant, à l’écoute d’Orion et des ses autres « patients » que l’on entrevoit parfois. Intuitive, elle encourage Orion dans sa passion pour le dessin, la peinture. Son art parvient, non pas à le guérir, puisque la pathologie dont Orion souffre n’est pas « guérissable », mais lui permet de s’intégrer le mieux possible (ou le moins mal possible) dans un monde où il n’a pas sa place.

Ce qu’il n’arrive pas à dire, Véronique l’aide à l’exprimer par le dessin ou la sculpture, jusqu’à la reconnaissance officielle via une exposition et une manifestation.

Ce livre pose  des interrogations également sur la place de l’art (musique et poésie) dans la vie de tous les jours, pour des personnes dites « normales ». Peut on en vivre ? Comment s’exprimer ? Vivre sa passion ?  

 

Le livre alterne entre des dialogues entre Orion-Véronique, les réflexions intérieures de Véronique et également celle de Vasco son mari, très présent.

 

P 34 (Orion a 13-14 ans)

Le démon de Paris, Orion veut en parler ce matin tandis qu’il se libère péniblement de son blouson qu’il boutonne – ou bétonne- toujours jusqu’en haut.

« On a reçu des rayons aujourd’hui… à l’arrêt de l’autobus. Il avait cinq minutes de retard et le démon était déjà là, il profite de tout. Il voulait me faire sauter devant tout le monde. Mais heureusement il était fatigué, il n’avait pas trop de force, on sentait qu’il avait eu peur …

-         Peur…

-         Parce qu’il a été renversifié, coupé, roulotté par les chevaux de la nuit. Des nuits, la Vierge de Paris envoie ses trois cent chevaux blancs. Alors ils galopent dans les rues de Paris et ils chassent le démon. Il a peur d’eux, il court, il court, ça m’amuse, oui ça m’amuse ça… !

Il rit très fort : « le démon tente de s’envoler mais ses ailes se prennent dans les réverbères, se cognent contre les maisons. Il retombe et les trois cent chevaux blancs le piétinent, le mordent et il est obligé de s’enfuir en criant. Comme il crie, comme il crie dans ma tête ! On aime ça ! »

Je suis emportée par son enthousiasme, trois cent chevaux blancs, est ce que je les vois ? Oui, je les vois et je suis heureuse, je les entends galoper, je vois le démon détaler en hurlant devant eux.

« Trois cent chevaux blancs dans les rues de Paris. Que c’est beau, Orion ! Tu es capable de voir ce que les autres ne voient pas »

 

Le dialogue entre Orion et Véronique commence bien souvent par un dessin et apporte à l’un comme à l’autre des éléments de réponses à leurs interrogations quotidiennes.

 

Le dessin qu’Orion m’apporte quelques jours plus tard n’a plus rien de la folle exubérance du grand jeu aux lianes et de sa danse d’arbre en arbre. Un cheval blanc est attelé à la roulotte et Bernadette est en train d’en caresser un autre, fort maigre, avant de lui passer le mors. Il y a des palmiers, sur la mer au loin, de beaux oiseaux volent dans le ciel. Bernadette, vêtue de rose avec des chaussures à talons, détonne un peu dans cet ensemble, elle est plus jolie et moins gauche que dans les premiers dessins mais où est la place d’Orion ?» (page 113)

 

Petit à petit, le lecteur apprend  qu’Orion a été opéré du cœur à l’âge de 4 ans, et que c’est là qu’il a rencontré l’enfant bleu du titre. On en sait très peu sur sa pathologie, pas de mots savants, juste qu’il est psychotique.

 

J’ai beaucoup aimé les réflexions de Véronique sur ses doutes, son envie de bien faire, sa relation amoureuse avec Vasco et sa relation amicale avec une violoncelliste Gamma.

 

Durant la nuit je fais un rêve important. Il y a un très grand arbre, à demi foudroyé, on le croit mort et pourtant je vois de minuscules feuilles apparaître sur ses branches. C’est l’arbre d’Homère. Il chante l’hymne phallique. Un immense, un dangereux tumulte s’élève, c’est le galop blanc des chevaux psychotiques.

Je m’éveille, j suis heureuse, un peu tremblante. Vasco dort paisiblement à côté de moi. Je me rassure, je note mon rêve sur le petit carnet que j’ai toujours à ma portée. Je me rendors, je sens que je suis de plus en plus heureuse et m’éveille en pleurant. (p152)

 

Véronique aide Orion à s’épanouir mais l’inverse est vrai également, il y a un réel échange entre les deux protagonistes principaux.

 

Il ouvre son carton, met le dessin sur la table et immédiatement je me retrouve dans la chaleur et l’atmosphère de l’île du Paradis numéro2. Dans une clairière, parsemée de fleurs, un petit zèbre écoute, en levant la tête, des notes qui descendent d’une source cachée dans un arbre au feuillage touffu. Au bord de la clairière il y a une hutte de rondin, la porte ouverte laisse voir deux couches de foin et de fleurs blanches.

Orion : « il y a deux lits, un pour le zèbre, l’autre pour la petite fille sauvage.

Il y a maintenant une petite fille sauvage sur l’île ?

E- il y en a une, elle fait de la musique sans bruit, comme toi. Seul le zèbre peut l’entendre.

……

- Tu aimes aussi les zèbres ?

- On ne sait pas. Les zèbres on ne les connaît qu’en dessin. Le zèbre, il est blanc et noir, comme toi, Madame. »

La journée se passe en réunions qui m’absorbent et au cours desquelles résonne sourdement en moi la phrase d’Orion : « le zèbre, il est blanc et noir, comme toi, Madame. » Je sens que ces mots me révèlent ce que je suis et une vérité encore plus grande cachée sur ce qui nous lie, obscurément, Orion et moi. Dans le train qui me ramène chez nous, je pense au Tao chinois, cette forme parfaite où le noir et le blanc sont à la fois unis et séparés dans le cercle par la douceur d’une courbe lente. Dans le noir, le germe du blanc et, dans le blanc, celui du noir. Est-ce que c’est cela que nous tentons de nous apporter l’un à l’autre ? Pour Orion le blanc est la couleur de la lumière, celle de la feuille blanche sur laquelle il pourra dessiner, c’est le moyen de sa marche en avant. Le noir, c’est le trait qui lui fait découvrir ce qui est en attente dans sa tête, c’est aussi la couleur du démon. En le poussant en avant,  en l’engageant à se risquer, je suis aussi pour lui du côté du démon. Je suis aussi une sorte de démon de Paris qui bouscule ses habitudes, ses conforts apeurés, ses résistances. (p170)

 

L’implication de Véronique dépasse de beaucoup celle d’un thérapeute « standard » puisqu’elle l’invite régulièrement chez elle. Vasco, son mari est artiste également et apporte une dimension familiale à l’ensemble.

 

L’arbre a grandi, il s’élève. Je reconduis Orion à la gare. Je fais quelques courses, je prépare la valise de Vasco qui part demain pour de nouveaux concerts. Le dîner est prêt, je mets la table, Vasco revient, je vois qu’il est encore troublé mais il me sourit. Il me tend une partition : ‘Tiens, c’est en refroidi….à peu près ce que nous avons joué et chanté à Londres, ta Mélopée Viking ».

Je vois tout de suite que c’est beaucoup plus ouvert et déchaîné que ce qu’il avait écrit autrefois sur ce poème. Cela laisse beaucoup de liberté au chant, à l’invention. C’et une piste, pas plus mais une pite sur laquelle on peut courir, bondir, s’élancer peut être. Le dernier vers soudain me perce le cœur : ‘Les chevaux de la mer n’auront plus de poulain ». Ils n’auront plus de poulain, moi non plus je n’aurai plus d’enfant et le mien est perdu. Est-ce que je pensais à cela quand j’ai écrit ces vers ? Je ne sais plus mais cette blessure ne cesse d’être présente. Les chevaux de la mer, leur galop est ce celui des trois cent chevaux blancs d’Orion, qui eux aussi, n’auront plus de poulains ? Vasco me regarde, il voit ma détresse. Je fais un effort pour la surmonter et horriblement j’éclate de rire. Il ne dit rien, il prend ma main dans la sienne, la caresse. Je dis : « Je ris parce que ceci n’est pas seulement beau. C’est toi…c’est toi qui poses tes questions terribles.

- C’est ton poème qui le fait. » (P181)

 

Ma première participation au challenge de Calypso : Un mot des titres

Le mot était Enfant

 UN-MOT-DES-TITRES.jpg

 

L’avis de Karine :

 

http://moncoinlecture.over-blog.com/article-l-enfant-bleu-henry-bauchau-79514695.html

 

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commentaires

L
Il faut vraiment que je découvre cet auteur !
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V
<br /> <br /> J'ai beaucoup aimé : j'attends un peu avant d'en relire un du même auteur :-)<br /> <br /> <br /> <br />
C
Ah ! C'est peut-être ça ! Des titres vont commencer à se croiser ! :)
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L
<br /> <br /> pour cette session d'octobre, j'ai fini le livre , qui m'a énormément plu :-) ne reste plus qu'à faire le billet<br /> <br /> <br /> Bonne journée Calypso<br /> <br /> <br /> <br />
C
Le nom de l'auteur ne m'est pas inconnu mais impossible de savoir pourquoi...<br /> Merci d'avoir participé à cette session !
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V
<br /> <br /> Merci à toi pour l'oragnisation ;-)<br /> <br /> <br /> Je n'ai pas encore eu le temps de lire tous les autres billets ;-)<br /> <br /> <br /> En fait j'avais repéré ce titre lors de la première session de "un mot des titres" sur le blog de Carine (avec le mot bleu) : j'ai mis le lien à la fin du billet<br /> <br /> <br /> C'est peut être pour cela que le nom te dit quelque chose<br /> <br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> <br /> <br />
M
super bouquin je recommande !
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L
<br /> <br /> Moi aussi mais pas à une femme enceinte ;-) trop triste quand même<br /> <br /> <br /> <br />
A
Je l'ai repéré depuis un moment mais je ne suis pas sûre que ça me plaise, on verra plus tard si l'envie m'en prend !
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L
<br /> <br /> c'est plutot facile à lire, j'ai hésité à le prendre pendant longtemps (le côté psychotique me paraissait lourd) mais ce livre vaut le déplacement et c'est aussi un message d'espoir ....<br /> <br /> <br /> <br />