10 novembre 2012
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De confession juive, il est obligé de se cacher dans la djebel pendant trois longues années, qui le marquent énormément : la solitude , la misère des autochtones, les ravages du paludisme parmi les habitants ne le laisse pas indifférent.
Un extrait de ses pensées au début de cette épreuve :
Dans la pénombre qui prenait possession de cette terre perdue de bout du monde, sa stupidité lui revenait comme un boomerang, la monstrueuse absurdité de ses semblables l’écrasait. Il aurait voulu se jeter à genoux et demander pardon à Christine, pardon pour les millions de cadavres à venir, les misères inouïes, les destructions innombrables, lui crier qu’elle avait eu mille fois raison de se battre pour la paix avec une telle énergie malgré la certitude inexorable de la défaite, sans craindre les sarcasmes et le mépris. Ni les accusations de lâcheté. Ce sont toujours les pacifistes les plus courageux, c’est si facile de faire la guerre, de tuer son voisin, d’étriper des enfants, d’être le dernier à survivre quand il aurait fallu vouloir que tous vivent. Il avait été comme les autres d’une insupportable arrogance.(p154)
De retour, à Alger, à la fin de la guerre, il décide de retourner à Prague, pour enfin rendre visite à son père qu’il n’a pas pu voir depuis dix ans, il sera alors prisonnier de la dictature qui s'installe en Tchécoslovaquie. Je ne raconterais pas plus l’histoire pour laisser la surprise de la lecture.
C’est un roman qui se lit d’une traite, histoire d’amitiés et d’amour sur fonds des grands évènements tragiques du siècle.
Le seul « bémol » que je ferai tient au principe même du livre : raconter une centaine d’années en un peu plus de 550 pages, impose des « sauts » dans les années. Des longs passages décrivent ses années jeunesse à Paris, un autre à Alger. Tout un passage se situe en Tchécoslovaquie en 1948, puis un saut de 20 ans nous propulse en 1968 (là où on rencontre le fameux Ernesto G du titre), un dernier passage à la fin des années 80 après la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’Union Soviétique). J’ai eu un peu de mal avec ces sauts dans le temps d’une dizaine voire d’une vingtaine d’années. Par exemple, on quitte Helena, la fille de Joseph à 20 ans en 1968, amoureuse transie d’Ernesto et on la retrouve 20 ans plus tard mère de famille (j’aurais aimé en savoir plus sur sa vie)
Un livre où on sent bien le peu de poids de la vie humaine dans les rouages de l'Histoire, chacun essaie au mieux de faire ses choix.
Il y a deux façons d’écrire l’Histoire : dans l’action, au moment où elle s’accomplit, ou à tête reposée, longtemps plus tard, avec le recul du temps, quand les passions se sont apaisées. Le point de vue est alors si différent qu’on se demande comment ces faits ont pu avoir lieu, on a du mal à en comprendre les acteurs, leurs motivations, leur inconscience. Tous les Tchèques, qui ont vécu les évènement de février 48 se sont posé cette question, se sont interrogés sur les raisons de leur choix. La plupart n’ont trouvé qu’une seule réponse : à cette époque, nous étions sincèrement convaincus d’avoir raison et on ne savait pas ce qui allait se passer. Après coup, c’est plus facile d’être lucide, on a eu accès à des témoignages, des archives, et on connaît le résultat du match. (p 306)
Ce livre ne fait pas que retracer les évènements historiques : au contraire, les personnages sont bien campés, crédibles. Entre deux épreuves, ils arrivent à grapiller quelques moments d’humour, d’amitié, de tendresse et d’insouciance bercée par la musique de Carlos Gardel, .La musique et le tango sont présents même dans les moments les plus difficiles.
J’ai emprunté ce livre à la bibliothèque sur le présentoir Nouveauté, curieuse du titre. Je n’avais lu aucune chronique sur ce livre et ne savais donc pas qui était le fameux Ernesto : j‘ai penché un moment pour Guenessia comme l’auteur, voire Gardel comme le chanteur argentin.
Un livre que je n’aurais peut être pas pris si le titre avait d’ailleurs donné le nom de famille D’Ernesto.
Et pour finir je laisse Ernesto se présenter (sans dire son nom de famille pour ceux qui ne sauraient pas qui est ce mystérieux Ernesto)
Je m’appelle Ernesto. Chez moi, on m’appelait Ernestito pour ne pas me confondre avec mon père. On avait le même prénom. C’est la tradition chez nous. Le petit Ernesto, voilà qui j’étais, je n’aimais pas être petit et j’ai tout fait pour qu’on l’oublie. Mes parents m’ont élevé comme j’aurais rêvé, libre et sans contrainte, d’eux je n’ai reçu qu’amour et bienveillance, le meilleur exemple du monde pour l’éducation, mon père m’a toujours aidé à m’accomplir, mes six enfants pourront ils garder de moi autre chose que le souvenir d’un barbu qui les a fait sauter sur ses genoux pendant cinq minutes ? Je les ai abandonnés à leurs mères et je ne me suis jamais occupé d’eux. Que peut faire un homme pour ses enfants si ce n’est leur préparer une bonne vie, leur donner le meilleur pour qu’un jour ils puissent se dire, mon père a été un bon père. Moi j’ai voulu qu’ils vivent dans un monde meilleur et plus juste. A la réflexion, je me suis surtout préoccupé de l’avenir des autres et j’ai négligé mes propres enfants. Jamais je n’avais mesuré combien j’ai dû leur manquer, comme ils me manquent à moi même aujourd’hui. Peut être n’étais je pas vraiment fait pour avoir des enfants. (p 411)
En conclusion : une lecture très intéressante (même si ce n’est pas le coup de cœur absolu pour la raison citée plus haut)
Ma participation au challenge de Phildes "lire sous la contrainte" où il fallait lire un titre avec un prénom

Ma première participation au challenge 1% rentrée littéraire organisé par Hérisson

Challenge Babelio 5/26 - Lettre G Comme Guenassia