Dans un futur proche, à Paris (même si je crois que le nom de la ville n’est pas citée). Une nuit, une petite fille est réveillée par des hommes mystérieux qui arrêtent (violemment) sa mère. La petite fille Lila est emmenée dans un centre. Commence alors pour elle un difficile réapprentissage de la vie, elle ne marche plus, ne parle plus est totalement repliée sur elle-même. Lila, en grandissant a un seul objectif : retrouver sa mère et comprendre…. Comprendre ce qui lui est arrivé, qui elle est…. Grâce à de nombreuses rencontres de personnes qui l’aident, Mr Kaufmann, Fernand et sa femme Lucienne, petit à petit elle arrive à donner à son entourage l’illusion qu’elle rentre dans le rang…. mais au fond d’elle-même elle ne perd jamais de vue son but qui est de retrouver sa mère. Blandine Le Callet sait nous faire partager, les pensées de cette enfant puis de cette jeune femme, en distillant au fil des pages des indices et des révélations sur ce monde où manipulations génétiques et caméras sont omniprésentes. Le monde décrit se situe dans une ville intra-muros (là où vit Lila K) et l’extérieur est la Zone (où Lila se rend pour retrouver trace de sa mère). Les habitants intra-muros sont « privilégiés », bien nourris, reçoivent des injections pour ne pas vieillir. On apprend petit à petit qu’il y a eu des évènements qui ont instauré une barrière entre intérieur et extérieur, et le début de la vie difficile de Lila et de sa mère.
J’ai eu beaucoup de plaisir à suivre Lila K dans son enquête : quel courage et quelle ténacité ….
Ce livre m’a tentée pour sa quatrième de couverture qui fait mention de «références Orwelliennes ». Effectivement si cet univers fait parfois penser à 1984 (le rôle des livres, les hélicoptères qui tournoient en permanence au-dessus de la ville), ce roman n’est pas aussi sombre que 1984. Tout d’abord du fait de la personnalité attachante de Lila K et puis à la différence de 1984 la fin est pleine d’espoir, pour Lila K ….et ses contemporains
Trois extraits : La relation de l’enfant avec son médecin du centre Mr Kaufmann
M. Kauffmann s'intéressait beaucoup à ce que je ressentais, à ce que je pensais. Il me demandait toujours : Comment vas-tu, aujourd'hui? Comment trouves-tu ce morceau ? Est-ce que tu aimes cette couleur ? Personne ne m'avait jamais posé ce genre de questions, et j'étais la première surprise. J'essayais de répondre, tant bien que mal, mais ce n'était pas évident de raconter ses pensées, et d'exposer ses sentiments. C'est comme tout mettre à l'envers, l'intérieur vers l'extérieur, ça n'est pas naturel. En tout cas, ça ne l'était pas pour moi. Pour ne rien arranger, je ne trouvais pas les mots ; ils me manquaient, parce que j'avais appris à parler bien tard, et que mon vocabulaire demeurait limité. Ca ne pardonne pas. Très souvent, je n'avais plus rien sur le bout de la langue, et je restais sans voix, contrainte de tout garder à l'intérieur, enfermé, prisonnier sans aucun moyen d'en sortir. Ca me mettait en rage, et parfois même en larmes. (p42)
Mr Kaufmann lui offre des livres (pour ces 10 ans)
- Comment dites-vous que ça s'appelle ?
- Un livre. C'est ce qu'on avait, avant les grammabooks.
- Et... Qu'est-ce qu'il est écrit dedans?
- Cela dépend du livre.
J'ai ouvert des yeux ronds. Je n'y comprenais rien.
- Laisse-moi t'expliquer : tu vois, avec un grammabook, on n'a qu'un écran vierge sur lequel vient s'inscrire le texte de ton choix. Un livre lui, est composé de pages imprimées. Une fois que le texte est là, on ne peut plus rien changer. Les mots sont incrustés à la surface. Tiens, touche.
J'ai posé la main sur la feuille. J'ai palpé, puis j'ai gratté les lettres légèrement, de l'index. M Kaufmann disait vrai : elles étaient comme prises dans la matière. Ca ne peut pas s'effacer?
- Non c'est inamovible. Indélébile. Là réside tout l'intérêt : avec le livre, tu possèdes le texte. Tu le possède vraiment. IL reste avec toi, qans que personne ne puisse le modifier à ton insu. Par les temps qui courent, ce n'est pas un mince avantage, crois-moi, a- t-il ajouté à voix basse. Ex libris veritas, fillette. LA vérité sort des livres. Souviens toi de ça : Ex libris veritas. (p59)
Et enfin la première incursion de Lila K vers la Zone
Le premier samedi de septembre, j'ai pris le tube jusqu'à la frontière sud. C'était le plus loin que je pouvais aller sans risquer d'éveiller les soupçons. Le voyage qu'il me faudrait accomplir pour rejoindre ma mère me mènerait très au-delà, mais je me disais que c'était déjà bien de rejoindre la frontière pour repérer les lieux, les respirer. Je pensais que cela m'aiderait à me sentir plus confiante, quand viendrait le grand jour. Je suis arrivée en fin d'après-midi. J'avais pris mes précautions - lunettes noires sur le nez et dans ma poche, le flacon d'anxiolytiques, au cas où. Mais je n'ai pas eu besoin de m'en servir. Tout était comme sur les images des actualités, exactement, propre et joli, en ordre : le mur interminable avec ses fresques abstraites et bariolées, les buissons d'hortensias roses et bleus, tous les vingt mètres un mirador surplombant un check-point. De longues files de zonards s'étiraient sur la place en un ordre parfait, quasiment géométrique. Les portiques de sécurité les happaient en un flot continu. Au-dessus,clignotait le message : "toute atteinte à la fluidité du contrôle donnera lieu à des sanctions". Tout se passait très vite, calmement, sans bavures : les hommes présentaient leur visage, leur carte de séjour: les automates vérifiaient les cartes et scannaient les iris en deux secondes à peine.. Pas le moindre grain de sable dans le grand engrenage. Je comprenais mieux que la ville parvienne, en quelques heures à peine à se vider chaque soir de millions d'immigrés, qu'elle ravalait au matin, avant de les recracher à nouveau, le soir suivant. p 270- 271
Ce livre a eu de nombreux prix parmi lesquels : Prix des lecteurs du Livre de Poche 12 / Prix Culture et Bibliothèques pour tous 2011 / Prix des lecteurs des Ecrivains du Sud 2011 / Prix des lecteurs de la Ville de Brive 2011
ce qui l'inscrit bien dans le challenge de Laure
c'était une lecture commune proposée par Enna (ici); avec Laure , Etoilla , Métaphore et Géraldine
et une participationau Challenge Monde Imaginaires d'Aymeline