7 avril 2013
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Au début tout allait bien entre nous. On faisait une fine équipe avec le Jeannot. On avait une martingale. Lui il était jardinier dans les grandes propriétés de la côte et moi, Pierrot, j’étais livreur de légumes. Il avait les sources, j’avais la camionnette. Il savait quand les grandes familles partaient de leur résidence secondaire, pour retourner à la fin des vacances, reprendre leur train-train en ville. Moi j’ai un goût très sûr en art, les tableaux, les antiquités ça me connait. J’ai pas fait l’école du Louvre mais je sais reconnaître un hors d’œuvre d’une copie.
Tout s’est gâché quand il a fait la connaissance de la donzelle, la Mélodie. Quelle pimbêche celle-là avec ces grands airs ! Mélodie, en plus je suis sûr que c’est même pas son vrai nom, elle travaille (si on peut appeler ça travailler), dans un troquet sur le port où elle pousse une chansonnette avec le peu de voix qu’elle s’imagine avoir. Et justement, le pauvre Jeannot qu’a jamais eu beaucoup de jugeote, il s’est laissé avoir par ses belles paroles, la pauvre pianiste obligée de chanter pour envoyer des sous à sa famille et patati et patata. Il la regarde comme si elle est la huitième merveille du monde. Je suis sûr que quand elle dit "les 4 saisons de Vivaldi", il pense à une pizza. Au début, leurs dialogues me faisaient sourire : "Beethoven est mon compositeur préféré" disait elle, "moi aussi j'adore ce chien" répondait il, les yeux perdus dans le vague pour ne pas avoir l'air de scruter son corsage! et il approuvait quand elle parlait de Berlioz des trémolos dans la voix. "J'ai vu vingt fois les Aristochats" répondait il . "Berlioz n'est pas mon préféré je préfère, Toulouse le chat peintre". Je les trouve pathétiques, les tourtereaux. Le mariage de la carpe et du lapin comme disait ma grand mère. Dommage qu'elle soit pas muette la Mélodie, parce que Jeannot.....
C’est Jeannot qui m’a convaincu de l’emmener la Mélodie sur notre dernier gros coup, la résidence secondaire du sous-préfet. Il avait dit « Pendant qu’on vide la maison, Mélodie fera le guet »
Mon œil, elle a jamais dû faire le guet la Mélodie parce qu’au bout de cinq minutes dans le jardin, elle est venue nous rejoindre dans le salon. Elle a flashé sur le piano, alors qu’on était en train d’emballer un tableau : un maudit Gliani MAGNIFIQUE ! Alors elle a fait des pieds et des mains pour qu’on emmène le piano. Il a pas su dire non le Jeannot et lui mettre la baffe qui me démangeait mais je m’occupe pas des histoires de couple des copains, moi ! On s’est donc retrouvé tous les trois dans la camionnette, le piano à l’arrière, Mélodie entre nous deux (en laissant tous les tableaux dans la maison du sous-préfet). Ma camionnette, elle a pas l’habitude de tout ce poids et dans le virage de la corniche qui mène à la pointe du Raz, les portes se sont ouvertes en plein et le foutu piano a glissé. Je vous passe les cris de la Mélodie (quand je pense que le Jeannot dit qu’elle mérite son nom). On s’est donc arrêtés et là on s’est rendu compte que la corde qui retenait le piano était inutilisable. Il commençait à faire jour, et là j’ai paniqué en regardant les deux autres loustics. On était quand même très repérables, la Mélodie qui piaillait, le Jeannot qui essayait de lui faire entendre raison. Alors moi, j’ai pris mes jambes et ma camionnette à mon cou et j’ai mis les bouts. Dans le rétro, j’ai vu la Mélodie et le Jeannot penchés l’un contre l’autre, elle jouait du piano. Y a pas à dire ces tourtereaux dans le soleil levant des falaises, la mer en arrière plan, ça avait de la gueule. Je me demande bien si le Jeannot est récupérable pour la cambriole après cette aventure.
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La consigne de Gwenaelle :
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Il y a quelques semaines, un piano a été trouvé au bout de la pointe du Raz. Pesant une centaine de kilos, ce n’est pas le genre d’objet que l’on peut déposer discrètement et pourtant, personne ne sait comment il est arrivé là.
Si ce mystère vous inspire, je vous propose de nous expliquer, en mille mots maximum, comment cet instrument a abouti là…
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