Dans ce livre, il ne sera pas question d’automne, ni de Pékin mais de la construction d’un train en Exopotamie. (un train totalement inutile puisqu’il ne mène nulle part, en même temps sans clients, c’est plus facile, et puis les clients ce n’est jamais content)
Comme j’aime l’étymologie, et que ma fille étudie au collège la Mésopotamie, j’ai cherché le sens de Potamie qui veut dire fleuve. « Mésopotamie » signifie « au milieu des fleuves »
Pour le préfixe exo, je n’ai pas eu besoin de chercher ;-)
Ce roman retrace la construction d’un train en Exopotamie. Les personnages sont nombreux et les chapitres du début expliquent comment chaque personnage se retrouve embringué dans cette aventure.
Amadis Dudu est présenté dans un premier chapitre, hilarant, où il essaie de prendre le bus 975 pour aller à son travail : il n’y parviendra jamais (à son travail), mais deviendra le chargé de projet de ce chantier.
Anne (un garçon comme son nom ne l’indique pas) et Angel son ami se trouvent embauchés sur ce chantier en tant qu’ingénieurs. Rochelle, la petite amie d’Anne, l’accompagne et devient la secrétaire d’Amadis. Ce roman est l’histoire d’amour impossible d’Angel, amoureux de Rochelle, qui ne l’aime pas. Anne aime Rochelle, mais pas plus que cela. Mais c’est aussi l’histoire d’Athénagore l’archéologue, Petit Jean l’abbé, Claude Léon l’ermite, Cuivre l’assistante de l’archéologue qui trouve Angel à son goût, l’hôtelier qui sera expulsé (son hôtel a le malheur de se trouver en plein désert pile où le train va passer !). Le lecteur rencontrera aussi Mangemanche le médecin, Olive et Didiche , deux adolescents qui accompagnent leurs pères, qui sont ouvriers sur le chantier, et bien sûr ce salaud d’Arland (le contremaître que l’on ne verra pas du tout mais dont on entend régulièrement parler)
Le ton est tour à tour loufoque (savez vous ce qu’est un pruneau d’agent ? ), irrévérencieux pour le catholicisme, totalement improbable (encore que certaines scènes du conseil d’administration de la société chargé de bâtir le chemin de fer m’ont paru très réelles). C’est en même temps avec une réflexion intéressante sur l’amour et l’usure dans le couple, l’amitié, la jalousie, et l’homosexualité (celle d’Amadis, de Lardier et Dupont)
Beaucoup de rires, du désespoir, de l’incompréhension entre les protagonistes, la pire menant au meurtre puis au suicide.
Voilà un billet pas très construit, un peu brouillon, même peut être. Mais, s’il n’y a qu’une seule chose à en conclure, c’est que j’ai beaucoup aimé : pour l’histoire, les personnages l’inventivité autour du langage.
Ainsi si la construction d’une voie de chemin de fer qui ne mène nulle part par des personnages qui se cherchent et se croisent sans se trouver, avec des passages dans le loufoque pur vous intéresse, alors ce livre est pour vous.
Si quelqu’un est intéressé par ce livre, je peux lui envoyer. J’ai acheté ce livre dans une brocante (il n’est donc pas de la plus grande jeunesse) mais c’est le contenu qui compte ;-)
Un extrait sur le travail : dialogue entre Amadis et Athanagore
- Au lieu de rester là, dit-il, vous feriez mieux de m’aider à tout préparer pour les recevoir.
- Préparer quoi ? demanda l’archéologue.
- Préparer leurs bureaux. Ils viennent ici pour travailler. Comment voulez vous qu’ils fassent s’ils n’ont pas de bureaux ?
- Je travaille bien sans bureau dit Athanogore
- Vous travaillez ? Vous ? ….Enfin…. Vous vous rendez bien compte que sans bureau il n’y a pas de travail sérieux, non ?
Un dialogue entre Angel et Mangemanche
- Je ne comprends pas du tout, dit Mangemanche.
- C’est comme le jazz, dit Angel. La transe.
- J’entrevois, dit Mangemanche. Vous voulez dire : de la même façon, certains individus y sont sensibles, et d’autres pas
- Oui dit Angel. C’est très curieux, lorsqu’on est en transe, de voir des gens pouvoir continuer à parler et à manœuvrer leurs formes. Lorsqu’on sent la pensée, je veux dire. La chose matérielle.
- Vous êtes fumeux dit Mangemanche.
- Je ne cherche pas à être clair, dit Angel. Parce que cela m’embête tellement d’essayer d’exprimer une chose que je ressens si clairement ; et par ailleurs, je me fous en totalité de pouvoir ou non faire partager mon point de vue aux autres.
Et un ultime extrait sur des noms d’oiseaux tous plus magnifiques les uns que les autres
Sur le bateau Olive, Didiche et le capitaine recueillent un cormoran
- Mais ça ne mord pas, un oiseau, dit Olive.
- Ah ! Ah ! Ah ! dit le capitaine. C’est que ce n’est pas un oiseau ordinaire !
- Qu’est ce que c’est ? demanda Didiche.
- Je ne sais pas, dit le capitaine ; et ça prouve bien que ce n’est pas un oiseau ordinaire parce que les oiseaux ordinaires, je les connais : il y a la pie, le fanfreluche et l’écubier, et le caillebotis, et puis la mouture, l’épeiche et l’amillequin, la bêtarde et la cantrope, et le verduron des plages, le marche à l’œil et le coquillet ; en dehors de ça on peut citer la mouette et la poule vulgaire qu’ils appellent en latin cocota deconans .
- Mince ! murmura Didiche. Vous en savez des choses, capitaine.
- C’est ce que j’ai appris, dit le capitaine.
Olive avait tout de même pris le cormoran dans ses bras et le berçait en lui racontant des bêtises pour le consoler. Il se rembobinait dans ses plumes, tout content, et ronronnait comme un tapir.
- Vous voyez, capitaine. Il est très gentil.
- Alors c’est une épervuche, dit le capitaine. Les épervuches sont des oiseaux charmants, c’est dans le bottin.
Flatté, le cormoran, prit avec sa tête, une pose gracieuse et distinguée, et Olive le caressa.

