Toi, mon amour félin, ma p’tite fleur
Toi seule me comprends, ma fine mouche
Au garage l’hiver, tu dors telle une souche
Point d’embrouilles, de chauffeur querelleur
En mars, tu te réveilles peu farouche
Sous ton capot, rêvent deux cent vingt chevaux
J’enlève ta bâche plastifiée toute moussue
Je vérifie tes aplombs tous égaux
Je regarde toutes les coutures, tu n’es pas bossue
Peut être un peu endormie, un peu alourdie
Un tour de clef, tu démarres sans secousse
Décapotée, j’ai décidé de te sortir ce midi
Nous partirons toi, moi et ma rousse
Tous les trois, cheveux au vent, dos au soleil
Pour cette sortie, j’ai choisi une route plate
Normandie : Il faut bien se dérouiller les pattes
Ou plutôt les pneus, sortir de ton long sommeil
Première, deuxième, troisième, vitesses inertes
Dans les tournants tu vires sur le flanc
Tu rugis de plaisir dans les prairies vertes
Quatrième, tu roules vers les quarantièmes ruisselants
Dans le bocage, les vaches te saluent en beuglant
La consigne des Impromptus littéraires
Cette semaine nous reprenons la proposition de Mamido lors de la "Foire aux thèmes" de fin d'année 2011.
Qu’elles soient plates, embrassées ou croisées, les rimes des poètes sonnent toujours juste et de belle façon.
Nous vous proposons d’aller puiser dans l’une des œuvres de votre auteur favori et de n’en conserver que le dernier mot de chaque vers en mettant devant, les vôtres, afin de composer à votre tour, votre poème.
Aucune autre contrainte. Il importe juste que les rimes des grands auteurs fassent chanter vos mots !
Le Poème initial
Le rêve du jaguar (Leconte de Lisle)
Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et, s'enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L'araignée au dos jaune et les singes farouches.
C'est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l'écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu'il bossue ;
Et, du mufle béant par la soif alourdi,
Un souffle rauque et bref, d'une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de midi,
Dont la fuite étincelle à travers l'herbe rousse.
En un creux du bois sombre interdit au soleil
Il s'affaisse, allongé sur quelque roche plate ;
D'un large coup de langue il se lustre la patte ;
Il cligne ses yeux d'or hébétés de sommeil ;
Et, dans l'illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs,
Il rêve qu'au milieu des plantations vertes,
Il enfonce d'un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.