Tout cela à cause d'une stupide panne de moteur. Quelques ratés, une chute vertigineuse vers la mer, le bleu des vagues qui se rapprochent à tout allure, le splash dans l'écume. Et enfin, le siège éjectable qui finalement fonctionne, la lente nage vers l'île au loin, et pour finir la solitude. Il est à l'écart de toutes les routes maritimes connues. Aucun moyen de se situer.
Par chance, le climat est tempéré, mieux même, tropical. Il ne va pas mourrir de faim, fruits et petits coquillages sont présents en abondance sur l'île. Enfin une île, un confetti plutôt. Un confetti au milieu de l'océan. Il peut en faire le tour en deux heures et des poussières. Du moins du temps où sa montre fonctionnait encore, il s'est chronométré. Maintenant plus de piles.
Le pire, c'est l'inactivité. Les premiers jours, il a allumé un feu, il était enchanté de regarder sur la plage les flammes bleutées qui dansaient en s'élançant vers la lune. Ensuite il a réfléchit, sur cette petite île , il ne pourrait faire, au mieux, que deux mois de feux quotidiens. Fallait-il brûler tout ce bois dans un hypothétique espoir de sauveteurs, où fallait-il épargner les arbres fruitiers qui le nourrissaient ? Alors il a choisi : plutôt vivre seul que mourrir de faim. L'océan le nourrit lui aussi : des poissons moches comme des mérous, avec un rictus démoniaque. Il donnerait tout ce qu'il a pour que le régime varie un peu. Le mérou lui sort par les yeux. Une bonne morue à l'ail, du pain de mie au blé complet grillé voilà ce qui le fait rêver maintenant. Mais dans ces eaux chaudes et limpides, pas de morues.
Avec les moyens du bord, il s'est constuit une cabane, une yourte lui auraient dit, goguenards, ses amis bobos parisiens. Dans la moiteur de la nuit, il regrette son ancienne vie, ses faux problèmes, il se rappelle les poèmes de son enfance. Car maintenant que sa liseuse est tombée en panne de batterie, il ne lui reste que cela : "La terre est bleue comme une orange".
Il jette un coup d'oeil à son meilleur ami, son téléphone portable. C'est devenu son seul confident car dans le miroir de son écran, il se voit encore et ne se reconnait plus : velu et pas rasé. Maintenant plus de batterie......