Cafetière et parti pris

24.01.2012

Aujourd'hui, j'ai joué avec Rebecca :

Le matin, en ce moment, il fait encore nuit, quand son oeil s’allume. Cet œil de cyclope clignote, fluorescent. Comme un phare, ce cercle rouge indique l’entrée du port aux navires en vadrouille. La cafetière bat le rappel des vaisseaux égarés, perdus dans la nuit et les rêves.

J’attends, j’attends que la lumière clignotante passe au rouge fixe, cela voudra dire que l’eau est assez chaude. L’allure élancée de la machine m’emporte vers des pays lointains : de phare avec sa base large, elle devient oiseau migrateur avec son long bec noir. De ce bec, s’écoulera tout à l’heure des gouttes ambrées du précieux breuvage : que vais-je choisir aujourd hui ? café du Guatemala ou du Kénya ? arabica, moka ou robusta ?

Les dosettes reposent sagement près du socle : seront-elles choisies aujourd’hui ? qui aura la chance d’être introduite dans le percolateur et qui sera perforée, envahie d’eau bouillante pour dégager l’arôme et l’amertume tant attendue ? Qui sera précipitée comme dans les chutes du Niagara dans une tasse. Et aujourd hui, d’ailleurs, peut être que le récipient ne sera pas une tasse, mais un immense bol où le café dilué chuchotera comme un lac, après la tempête, uniquement perturbé par la petite cuillère répartissant le sucre inlassablement.

Le matin, tout est possible, petit noir serré pour donner un coup de fouet, cappuccino gourmand ; même cet affreux décaféiné est parfois l’invité. L’odeur du grain grillé et le glouglou de la machine se répandront alors dans la maison, comme un poney au galop dans l’escalier en colimaçon. Le poney ira réveiller le plus petit de la maisonnée, celui qui ne boit pas de café pas mais qui sait que c’est le moment où la journée commence vraiment, ce moment où on entend couler la boisson d’ébène.

La consigne :

Voici la consigne rédigée par Rebecca : "Dans son recueil Le parti pris des choses, Francis Ponge cherche à montrer la beauté des objets du quotidien. Il les décrit de façon poétique dans des textes courts agrémentés de comparaisons, de métaphores et autres figures de style. A certains moments, on trouve un lien entre la forme du texte et l'objet dont parle le poète. Par exemple, il utilise de courts paragraphes pour le poème sur la cigarette, ce qui rend vraiment l'aspect visuel de l'objet.

Francis Ponge a choisi des éléments apparemment ordinaires (le pain, l'huître, le cageot, la porte, etc...) qu'il nous fait redécouvrir en les présentant de façon originale : il nous aide à sortir de la vision stéréotypée des choses. "