Sur une idée de Leiloona et une photo de Romaric Cazaux
http://www.flickr.com/photos/romaric-cazaux/3771919332/in/photostream/lightbox/
Il y a quelques temps, je vous avais raconté ma mésaventure dans le métro où j'avais été agressée par une poule (vous avez bien lu une poule , c'était ici )
Je m'étais enfuie à tire d'ailes , regagnant la surface de la terre, Paris, sa foule de gens pressés, ses odeurs de gaz d'échappement. Là j'ai découvert une boutique fabuleuse que je visite souvent : "la jarre d'or". J'aime l'odeur des oranges mêlées à celle des oignons et du persil. L 'étal se renouvelle tous les jours. Un jour des dattes mielleuses et collantes, le lendemain du raisin, des bananes de Martinique. Je ne bouge pas de Paris mais dans ma tête je voyage, je sens sur mes ailes quand souffle le vent du nord.
Je m’installe devant cette boutique et je guette le meilleur moment pour m’incruster. Ce moment est quand l’épicier se retourne vers sa balance et sa caisse pour peser les fruits et les légumes. Il est aux petits soins pour son client et sa cliente, et là j’ai la paix. Il ne laisse alors devant la devanture qu’une sorte de gendarme, un petit épouvantail gris-bleu qui m’intimidait au début mais qui ne me fait plus peur. J’en profite alors pour me faufiler et goûter les arrivages de fruits: Ah l’acidité des oranges, la douceur des kiwis, le goût acidulé des framboises. Je bourdonne, je fredonne un tube que je chantais ma maman : malavita Tu me estás dando mala vida Yo pronto me voy a escapar
Gitana mía por lo menos date cuenta
Gitana mía por favor
Tu no me dejas ni respirar
Tu me estás dando mala vita
Et la journée se passe ainsi : je goûte à tout, me sature de sucres et d’odeurs. Je me cache quand l’épicier débarque avec sa tapette et fait semblant de vouloir nous chasser, mes soeurs et moi. Car je ne viens pas seule vous pensez bien, là je pose sur la photo mais mes soeurs ne sont jamais bien loin; nous faisons partie d’un “club des incorrigibles optimistes”, nous vivons de rapines, de chapardages, et le soir venu nous rentrons nous abriter dans le métro où rien ne s’oppose à la nuit. Pendant notre courte vie , nous faisons l’aller retour métro- ville, depuis notre antre souterrain La Fondation comme l’appelle notre maman Tsé Tsé, Sa Majesté des mouches.
Et je ne vous parle que des fruits car Mr Ibrahim, l’épicier ne fait pas que dans le fruit et le légume. Il s’approvisionne aussi en fleurs : Des pensées, des soucis, des brins de muguets, des fleurs de Lys…. Les petites vieilles du quartier se précipitent toutes chez Mr Ibrahim et ses fleurs du coran. La prochaine fois je vous raconterai mon expérience au coeur d’un petite fleur jaune délicate dans un bouquet odorant : j’ai déjà le titre de ma future chronique de microfictions : Vol au dessus d’un nids de coucous.
Ce texte répond aussi à la consigne de l'atelier de Gwennaelle où il fallait écrire un texte avec 10 titres de sa PAL
Les titres de ma PAL
1 Quand souffle le vent du nord - Daniel glattauer
2 Malavita - Tonino Benacquita (en fait le titre de la chanson est malavida de Mano Negra)
3 Sa majesté les mouches - William Golding
4 Le club des incorrigibles optimistes - Jean Michel Guenassia
5 Rien ne s'oppose à la nuit - Delphine de Vigan
6 Microfiction - Régis Jauffret
7 Fondation - Isaac Asimov
8 La jarre d'or - Raphaël Confiant
9 Vol au dessus d'un nid de coucou - Ken Kesey
10 Mr Ibrahim et les fleurs du Coran - Eric Emmanuel Schmidt
Les autres participants sont ICI chez Leiloona et LA chez Gwennaelle