Louise

20.10.2011

Dans la chronique de la vie de Louise venaient maintenant le cheval et la cavalière.

- Nous n'avions jamais assez d' ' argent pour me permettre de monter à cheval. Pas même dans les périodes où Harriet était gérante de magasin et qu' elle gagnait mieux sa vie. Je suis encore capable de me mettre dans des états de rage en pensant à son avarice. Donc, j étais condamnée à rester collée à la clôture, du mauvais côté, à regarder monter les autres comme autant de petites guerrières orgueilleuses. Moi, j avais l'impression de devoir être à la fois le cheval et la cavalière - les deux, à moi toute seule. Je me partageais en deux : une partie était le cheval, l'autre celle qui le montait .

Quand j allais bien, c était facile de me lever le matin, j'étais en selle et il n'y avait pas de fracture dans ma vie. Mais les jours où je ne voulais pas me lever, j'avais l impression d' être le cheval dans un coin du pré , et on avait beau me fouetter, je refusais d' obéir.
J'essayais de sentir que le cheval et moi ne faisions qu'un. Je crois que ça m'a aidée à traverser pas mal de moments difficiles quand j'étais gamine. Plus tard, aussi peut-être . Je suis assise sur mon cheval, et il me porte - sauf quand je me laisse tomber toute seule.

Elle s'est tue brusquement, comme si elle regrettait ses paroles.

Henning Mankell

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