Tome 1 - Cité de verre
Quinn, un détective privé, dont la femme et le petit garçon sont morts, reçoit un coup de fil qui ne lui est pas destiné. Il accepte de rencontrer Peter Stillman, un jeune homme perturbé. Celui-ci lui confie avoir été tenu reclu par son père pendant des années. Le père, ayant été condamné à de la prison pour ces mauvais traitement envers son fils, sort de prison. Peter Stillman fils confie à Quinn la mission de suivre Peter Stillman Père (celui-ci aurait juré vouloir assassiner son fils). Dans cette mission de filature de Peter Stillman Père, Quinn y perdra son appartement, sa vie, sa raison.
Le début de ce livre est époustouflant, extraordinaire, le monologue de Peter Stilman est passionnant (poétique) :
Peter Stillman (fils) parle en ces termes à Quinn, le détective privé.
Je suis surtout poète, maintenant. Chaque jour je reste dans ma chambre à écrire un nouveau poème. J’invente tous les mots moi-même, comme lorsque je vivais dans le noir. C’est comme ça que je commence à me souvenir, en faisant semblant d’être revenu dans le noir. Je suis le seul à savoir ce que ces mots signifient. Ils ne peuvent pas être traduits. Ces poèmes me rendront célèbre. J’ai tapé dans le mille. Ya, ya, ya. De beaux poèmes. Si beaux que le monde entier pleurera.
Plus tard, peut être, je ferai autre chose. Lorsque j’en aurai fini d’être poète. Un jour ou l’autre je serai à court de mots, voyez vous. Chacun n’a qu’un certain nombre de mots en lui. Et où serai je alors ? Je crois que je voudrais être pompier, ensuite. Et après cela docteur. La dernière chose que je serai c’est funambule. Quand je serai très vieux et que j’aurais enfin appris à marcher comme tout le monde. C’est alors que je danserai sur le fil et les gens en seront abasourdis. Même les petits enfants. C’est ce que j’aimerais. Danser sur un fil jusqu’à ce que je meure.
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Tome 2 – Les revenants Les personnages ne sont pas les mêmes que dans le premier tome, même si on retrouve un personnage de détective privé. On sait juste que Blanc a engagé Bleu pour surveiller Noir.
Ce roman interpelle sur une interrogation sur l’identité : les trois personnages n’ont pas de véritable nom : qui est qui ? qui surveille qui ? un jeu de miroir où on se perd ! Cette fois on suit plus particulièrement Bleu qui perd peu à peu pied :
Le vrai problème revient à identifier la nature dudit problème. Et d’abord qui le menace le plus, Blanc ou Noir ? Blanc a tenu sa part du contrat : les chèques sont arrivés à l’heure toutes les semaines, et se retourner contre lui maintenant – Bleu le sait bien – serait mordre la main qui le nourrit. C’est bien pourtant Blanc qui a lancé ce cas, jetant Bleu dans une pièce vide, en quelque sorte, puis éteignant la lumière et verrouillant la porte. Depuis Bleu tâtonne dans l’obscurité, cherchant à l’aveuglette l’interrupteur et il se trouve prisonnier de l’affaire. Tout cela est bel et bon, mais pourquoi Blanc ferait il une chose pareille ? Lorsque Bleu se heurte à cette question il ne peut plus penser. Son cerveau s’arrête de fonctionner, il n’est pas capable d’aller plus loin.
Prenons Noir, alors. Jusqu’à présent il constituait toute l’affaire, c’était la cause apparente de tous les ennuis de Bleu. Mais si Blanc cherche en réalité à atteindre Bleu – et pas Noir-, alors il se peut que Noir n’ait rien à voir dans tout ça, qu’il ne soit rien de plus qu’un figurant innocent. Dans ce cas, c’est Noir qui occupe la position que Bleu a toujours cru être la sienne propre et Bleu prend le rôle de Noir. C’est une éventualité qui se tient. Par ailleurs, il se peut aussi que Noir soit de mèche avec Blanc et qu’ensemble ils aient conspiré pour régler son compte à Bleu
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Tome 3 – La chambre dérobée Le narrateur, un jeune homme, journaliste désargenté, raconte son enfance avec Fanshawe. Il est contacté par Sophie, la femme de Fanshawe. Celui-ci a disparu quelques semaines avant la naissance de son fils, Ben, et a chargé sa femme de contacter le narrteur pour faire paraître son œuvre.
Le narrateur parviendra à faire éditer l’œuvre de son ami, se marie avec sa veuve, adopte l’enfant. Il accepte de rédiger la biographie de Fanshawe. Et sa raison vacille : il n’a dit à personne qu’il avait eu des nouvelles de Fanshawe (et que donc celui-ci n’est pas mort) : il part à sa recherche en Europe et plus particulièrement à Paris
Curieusement les choses m’ont paru plus grandes à Paris. Le ciel était plus présent qu’à New York et ses caprices plus fragiles. Il m’attirait, et le premier jour, ou les deux premiers jours, je suis resté dans ma chambre d’hôtel à examiner les nuages en attendant qu’il se produise quelque chose. C’étaient là des nuages du nord, les nuages de rêve toujours changeants qui s’amoncellent en immenses montagnes grises, qui déversent de courtes ondées, se dissipent, se regroupent à nouveau, roulent devant le soleil, réfractent la lumière selon des modes toujours différents. Le ciel à Paris a ses propres lois qui opèrent indépendamment de la ville en dessous. Autant les immeubles semblent solides, ancrés dans la terre, indestructibles, autant le ciel est vaste et amorphe, soumis à un bouleversement constant. Pendant la première semaine j’ai eu l’impression d’avoir été placé les pieds en l’air, la tête en bas. C’était une ville de l’ancien monde et elle n’avait rien à voir avec New York où les ciels sont lents et les rues chaotiques, où les nuages sont fades et les immeubles agressifs. J’étais déplacé, ce qui me rendait soudain peu sûr de moi. Je sentais ma maîtrise faiblir et au moins une fois par heure je devais me rappeler pourquoi je me trouvais là.
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En conclusion, trois tomes sans réel lien entre eux si ce n’est les trois détectives privés. Peter Stillman et Quinn apparaissent également très rapidement dans le troisième tome. Le lecteur se perd dans l’histoire, voit il réellement la vérité, y a-t-il une vérité ? qui est qui ?
Quand je dis le lecteur se perd, ce n’est pas du tout péjoratif, l’auteur balade le lecteur dans le bon sens du terme, l’emmène d’hypothèse en hypothèse : pas de réelle réponse d’ailleurs à la fin. Une quête sur l'identité : qui sommes nous, jusqu'où sommes nous prêts à aller ?
Un livre difficile à raconter, mais qui mérite amplement sa place dans les romans cultes tellement les questions sont innombrables, bien posées et éveillent de nombreux échos et de réflexions chez le lecteur.
Ma troisième participation au challenge de Métaphore sur les Romans Cultes ;-)