Kylie sursauta et s’assit d’un bond, sur son lit : elle s’était rendormie après la visite matinale de sa mère. Avant que celle-ci parte travailler, elles avaient échangé quelques mots avec tendresse, sa mère lui avait fait une bise sur le front. « c’est l’heure de se réveiller poussinette. Allez zou y’a école ! » Un coup d’œil vers le réveil lui confirma la catastrophe qui s’annonçait : il lui restait une demi heure pour se lever, prendre sa douche, déjeuner, et arriver à l’école à deux kilomètres de là. Autrement dit mission impossible même pour une ado super rapide comme elle !
Et pas moyen de s’écrire un mot d’excuses, elle en était déjà à trois ce mois ci sans compter les deux certificats médicaux !
Puis soudain, l’illumination ! elle pouvait encore être à l’heure grâce à Krill, sa fidèle monture. Prenant son courage à deux mains, elle enleva le kimono vaporeux qui lui servait de pyjama, sauta dans son jean et son tee shirt préféré, attacha rapidement ses cheveux châtains, enfourna pêle-mêle sa carte de cantine, ses cahiers et ses livres aux pages cornées dans un sac. Pas le temps pour la douche, un peu de déodorant, juste un trait de Kohl sous la paupière, parfait.
Elle attrapa également le premier sac de petits pains qui traînait dans la cuisine : pas question de travailler le ventre vide ! Elle fit la grimace, maudit la manie de sa mère de prendre des yaourts sans sucre, du pain sans gluten, des aliments sans goût ! mais bon pas le temps de faire la difficile. Elle sourit en voyant un post it de sa mère sur le dernier CD de R ‘N B qu’elle avait acheté : les « Afrodisiak Monkeys » : « Ma chérie on n’écrit pas Afrodisiak mais Aphrodisiaque, bonne journée et à ce soir »
Arrivée à l’écurie, Krill lui tournait le dos mais l’accueillit joyeusement en voyant les petits pains, tendant la bouche pour attraper des miettes. D’une main experte, Kylie lui enfila le mors en kaolin, la sella rapidement et l’enfourcha avec adresse.
D’un coup de talons, elle mit son destrier au petit trot : « autant ne pas forcer dans la première côte », lui dit elle. « Hue, ma cocotte, ma vie dépend de toi, sinon je vais me faire écharper par Koltien le prof d’anglais », rajouta t elle comme une prière.
La campagne environnante était réveillée depuis longtemps ; au loin elle voyait l’île de Kapiti et ses falaises descendant dans le bleu turquoise de la mer. Elle aimerait bien un jour habiter sur cette île : l’idée de vivre en autarcie la séduisait.
Peu de vent ce matin, les feuilles remuaient légèrement : elle pouvait sans danger prendre le sentier côtier sans craindre les rafales de vent qui les précipiteraient, elle et sa monture, dans la mer Elle dirigea Krill, sa monture rose, près de la côte : Le chemin était un raccourci qui lui ferait gagner du temps : pas de route à traverser, que des arbres et des prairies tout le long. Krill secoua l’encolure contente d’être sur le plat et se lança dans un petit galop aussi rapide que lui permettaient ses petites pattes. L’ivresse de ce petit galop matinal les emplit de joie toute les deux. Un moment de complicité et d’intimité comme elles l’appréciaient.
Dans le chemin bordé de part et d’autres par des plaqueminiers, chargés de kakis bien mûrs, les deux amies allaient bon train et Kylie gardait espoir d’être à l’heure, pourvu que son destrier poursuive sur ce rythme et ne se lance pas dans un rodéo espiègle, comme il lui arrivait souvent. Dans ces cas là, son destrier soulevait la croupe et voulait se baigner dans la mer si proche :l’appel du large était parfois très fort, et si Krill était apprivoisée, son côté sauvage et indompté refaisait vite surface.
Après avoir dépassé un Pohutukawa, Kylie ralentit se rappelant ses Noëls d’enfance. Elle adorait cet arbre pour ces jolies fleurs rouges en été (décembre en Nouvelle Zélande ;-)). Dans le chemin des fougères arborescentes (koru et kaponga comme disait son prof de Sciences Nat), elle entendit, soudain, un court coup de sifflet qui se répétait ; Intriguée Krill s’arrêta pile, regardant de ses petits yeux noirs un trou dans les buissons. Pas franchement inquiète, mais les sens en éveil.
Kylie et sa monture s’approchèrent de la clairière. Entre deux arbres , dont les feuilles bruissaient gentiment, elles virent alors un spectacle inattendu :
Une dizaine de kangourous jouaient au rugby. En soi, cela n’étonnait pas trop Kylie qui savait ces animaux très joueurs ; non ce qui était surprenant c’est qu’il s’agissait non pas de kangourous qui jouaient une partie désordonnée avec une calebasse quelconque mais bien d’une vraie partie : en face des kangourous s’alignait une jolie défense d’une dizaine de Kiwis. Ces oiseaux au long bec, mais aux pattes courtes ne semblaient pas de taille face aux kangourous sauteurs et essayaient désespérément d’attraper le ballon. Sur le côté, Kylie remarqua un Kakariki à front rouge, qui surveillait le match. Sa crête rouge, penchée sur sa tête, lui conférait une autorité naturelle comme un képi pose son gendarme. Et quand le Kakariki sifflait, tous les joueurs l’écoutaient et se conformaient à ses ordres. C’était le sifflement du Kakariki que Kylie et son coursier avaient entendu. Kylie fit bien attention de ne pas se faire remarquer et se cacha derrière un Kaori, sorte de conifère géant qui pullulait dans la Komté. Soudain le ballon échappa des griffes d’un kangourou et se retrouva dans les pattes d’un kiwi, qui, kamikaze, secoua frénétiquement ses ailes rabougries pour faire peur à l’adversaire. A ce moment, une salve d’applaudissements retentit devant cette attaque de la dernière chance de la part des kiwis et Kylie remarqua pour la première fois les autres spectateurs : une kyrielle de koalas, qui s’était installée à l’ombre des Kowhais.
Impassible, Krill regardait la scène : l’apparition d’une licorne ne l’aurait pas plus étonnée se réjouit Kylie. Avec Krill tout était possible, elle était un peu givrée, cette bestiole mais elles étaient tellement complices. Krill secoua l’encolure en renaclant et Kylie se demanda si elle n’allait pas vouloir rejoindre les joueurs de rugby qui ne les avaient pas remarqué
Mais non, Krill était juste intéressée par le jeu : un des kiwis tenta de lancer la balle à l’arrière mais se fit plaquer illico presto par un kangourou brun.
Aussitôt, les kiwis protestèrent et rappelèrent le kakariki à crête rouge à son rôle d’arbitre.
Kylie eut l’impression d’entendre les animaux : « Mécréant » sifflait le kiwi agressé: L’arbitre-ci s’agita, siffla, tempêta et tous les joueurs finirent par se remettre en place : le kangourou fautif se retrouva sur le banc de touche : les kiwis avaient maintenant l’avantage du nombre à défaut d’avoir celui de l’agilité. Le ballon fut remis en jeu, et l’action époustouflante reprit : les kangourous se firent une passe, puis une autre, laissant les kiwis épuisés sur le bord du terrain. Et soudain l’équipe des kangourous fit une faute irréparable : un bébé kangourou, tranquillement installé dans la poche ventrale de sa mère, ne put s’empêcher de prendre la ballon au vol, sortit de son cocon, perça les lignes de la défense des kiwis et marqua un but.
Aussitôt le Kakariki siffla sortit un carton rouge, et expliqua que ce bébé kangourou ne faisait pas partie de l’équipe officielle. L’équipe des kiwis eut droit à une pénalité : Un des kiwis pris son élan, tira dans le ballon qui s’envola loin au dessus de arbres, les koalas applaudirent cet exploit puis tout le monde se mit à la recherche du ballon qui avait disparu dans la forêt.
A contrecoeur, Kylie abandonna la clairière et sa découverte : il lui restait un quart d’heure pour parvenir au collège. Elle aurait tout vu ce matin et personne ne la croirait si elle racontait ce match des kangourous et des kiwis : heureusement que Krill était là et la comprenait : elle au moins.
Le dessin a été fait par Aube qui a bien voulu que je le mette à la suite de ce texte. Merci ;-)
Quelques liens (merci wikipédia)
Les mots collectés par Asphodèle
Kyrielle – kilomètre – kangourou – kaki – Koala – képi – kiwi – kamikaze -
Krill – kaolin –kohl Kimono
Les mots collectés par Olivia
Mécréant – certificat – douche - bises - givré - gluten - adresse - rafale - tendresse – excuse - -- bruire - catastrophe - autarcie - perce - vaporeux - rugby - découverte - ivresse - possible - carte - intimité - espiègle - pile - prière - page - licorne - aphrodisiaque